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Octobre 2021
Décès en couche de Ornella Laine Des victimes expiatoires de seize ans de gouvernance sanitaire chaotique
Décès en couche de Ornella Laine Des victimes expiatoires de seize ans de gouvernance sanitaire chaotique...
Les
plaies du dramatique décès, le 08 octobre dernier, de Ornella Laine, 29 ans,
avec son fœtus au Centre hospitalier universitaire Sylvanus Olympio, sont
toujours aussi vives. Comme pour les anesthésier et calmer la désolation de la
famille éplorée ainsi que les indignations que cette double disparition a
suscitées sur la toile, les responsables du monde sanitaire ont trouvé les
coupables.
Taïrou Naïmatou et Pouwaï Essokiza, les deux sage-femmes
coupables directes de ce décès, ont été gratifiées d'une mise à pied de 15
jours seulement. Alors que les familles et toutes les âmes indignées
s'attendent à des peines à la hauteur du mal commis, les censeurs n'ont trouvé
mieux que d'infliger d'aussi légères peines à ces deux femmes-là en tout point
coupables. Cette pseudo sanction sonne comme une insulte pour la famille.
On peut
donc remercier les autorités d'avoir manqué de donner des sanctions exemplaires
devant dissuader les autres fonctionnaires ou agents publics de banaliser la
vie humaine. Les premières coupables ainsi protégées, on en a bien vite trouvé
d'autres, en guise de cobayes.
Accusé
d'avoir indûment perçu la somme de cinquante mille (50 000) FCFA auprès de
Wilson Reine, « pour l'extraction du fœtus de la défunte Laine Ornella et la
formolisation du corps en transit de cette dernière dans ledit service. Ces
prestations n'ont pas fait l'objet d'un paiement régulier contre reçu à la
Caisse du CHU-SO et n'ont pas été enregistrées ni dans les registres physiques
prévus à cet effet, ni dans le système informatisé de la morgue au mépris total
des règles et procédures de fonctionnement du service », Anala Abongo, morguier
de son état, s'est vu infliger « une exclusion temporaire de fonction d'une
durée de trois (03) mois, le remboursement de la somme indûment perçue (…)
ainsi qu'un retard d'avancement de deux (02) échelons ».
L'autre
mis en faute est Kouake Adje, également morguier, est lui accusé d'avoir été de
mèche avec le sieur Anala. Même tarif pour lui pour ce qui est des sanctions.
Faire condamner des personnels en raison «d'inconscience professionnelle
notoire et de manquement caractérisé aux règles et procédures » en vigueur au
service de la Morgue du CHU SO, ainsi que l'a fait le Directeur Général du CHU
le Médecin Lieutenant-Colonel AGBOBLI Yawo Apelete dans une décision de service
(N°2467/2021/MSHPAUS/CHU-SO/DIR/DRH) datée du lundi 18 octobre.
Un cautère sur une jambe de bois
Ces
sanctions ne sont rien en comparaison de cette perte que représente la
disparition de la victime pour parents et amis. De fait, n'eût été la vague
d'indignations remarquées sur les réseaux sociaux, sans doute Taïrou Naïmatou
et Pouwaï Essokiza ne seraient même pas inquiétées. On leur aurait même trouvé
des postes dans d'autres structures publiques à l'intérieur du pays, le temps
que l'orage cesse.
De quoi
vont écoper ceux et celles qui font subir chaque jour que Dieu fait les mêmes
traitements inhumains aux autres Ornella Laine qui, pauvre d'elles, n'auront
pas la même chance de voir leur malheur médiatisé comme c'était le cas de la
regrettée ? Il en meurt des dizaines d'Ornella Laine tous les jours dans nos
hôpitaux fantomatiques. Ces sanctions sont donc autant de cautères sur une
jambe de bois.
Se rendre
dans un centre pour accoucher ne doit pas se solder par la mort de femme et
bébés ; mais au Togo, les conditions de travail étant ce qu'elles sont, les
équipements sanitaires n'existant que de nom, l'on ne doit pas s'étonner que
des scènes aussi dramatiques se répètent.
Qu'un hôpital soit dépourvu jusqu'aux brancards utilisés à des fins de
secourisme et de premiers soins d'urgence, voilà qui est symptomatique de
l'état de délitement et de marasme social où est maintenu le peuple togolais
obligé de s'en tenir à la portion congrue que lui impose depuis des décennies
une dynastie qui brille par un mépris total de son bien-être.
Le
brancard médical constitue un matériel indispensable et sert pour le transfert
et le transport de victimes de catastrophes, d'accidents ou de patients malades
vers un hôpital. Son déficit a joué dans ce décès, mais en trouver un dans nos
hôpitaux relève d'un miracle. Doit-on s'étonner qu'il n'y ait pas non plus
d'ambulances ?
Anala Abongo et Kouake en victimes
expiatoires
Nous
serions dans un pays normal, Moustafa Mijiyawa, ministre de la Santé, de
l'Hygiène publique et de l'accès universel aux soins serait vivement convoqué
par l'Assemblée nationale pour qu'il s'explique et réponde de cette mort
gratuite. Ne demandez pas aux députés version 2018 d'en faire autant. D'autres
soucis autres que la santé des populations les préoccupent. Anala Abongo et
Kouake Adje ne sont que des victimes expiatoires. Ils sont sacrifiés pour
expier une faute collective dont l'origine est avant tout gouvernementale, les
manquements d'autres responsables étant avant tout d'ordre gouvernemental. Il
suffit de creuser un peu plus pour constater que ces drames à répétition sont
moins la faute du personnel soignant lui-même dépassé faute de moyens, que celle
des premiers responsables de la santé qui ne font rien au sommet de l'Etat. La
disparition de Ornella Laine est un cinglant désaveu au programme national
d'accompagnement de la femme enceinte et du nouveau-né baptisé « WEZOU » et
dont le lancement officiel a eu lieu le 26 août 2021.
Vivement
l'amélioration des conditions de travail du personnel soignant.
Sodoli Koudoagbo
