
Conférence de haut niveau sur les transitions politiques et la lutte contre le terrorisme au Sahel et en Afrique de l'Ouest à Lomé : Entre gaspillage et exhibitionnisme à tout va, le Togo de Faure, un pays hôte mal placé
Conférence de haut niveau sur les transitions politiques et la lutte contre le terrorisme au Sahel et en Afrique de l'Ouest à Lomé : Entre gaspillage et exhibitionnisme à tout va, le Togo de Faure, un pays hôte mal placé...
En avril prochain, le Togo accueillera une conférence dite de haut niveau sur les transitions politiques et la lutte contre le terrorisme au Sahel et en Afrique de l'Ouest. Les attaques terroristes à répétition perpétrées ces derniers jours en cette partie du continent vont faire parer au plus pressé les diplomates. Autant l'initiative semble bonne, autant on ne peut pas ne pas tenir rigueur aux mêmes chefs d'Etat qui jouent aujourd'hui les pompiers, d'avoir été pyromanes, eux qui ont de tout temps usé de leurs constitutions comme de vulgaires paperasses. L'accueil de l'événement par le Togo, friand de ce genre de rencontres, fait encore plus marrer, quand on sait que les autorités du pays hôte ont toujours été en délicatesse avec la bonne gouvernance et déconnectées des réalités des populations.
A cette rencontre dite de haut niveau sur les transitions politiques et la lutte contre le terrorisme au Sahel et en Afrique de l'Ouest, sont annoncés, en plus de Faure Gnassingbé et du Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres qui, précisons-le, a adoubé cette idée, des acteurs régionaux et internationaux.
Le but de cette conférence est de mettre en place des stratégies et moyens à même d'éradiquer la menace terroriste en passe d'embraser la région du Sahel et les pays de l'Afrique de l'Ouest aux portes desquels attendent de pied ferme l'extrémisme violent et le terrorisme.
Dans la foulée de sa rencontre avec Antonio Guterres le 10 février dernier à New York, Robert Dussey, le ministre des Affaires étrangères, de l'intégration régionale et des Togolais de l'extérieur, a annoncé la couleur : « Cette initiative de Lomé répond non seulement à une préoccupation urgente de l'heure, mais également s'inscrit dans le cadre de la Stratégie sous-régionale et interrégionale du Togo de lutte contre le terrorisme et de préservation de la paix au Sahel. Elle permettra notamment de mieux comprendre l'évolution des dynamiques et logiques sécuritaires de la région sahélienne et de l'Afrique de l'Ouest et de développer une approche réaliste de l'accompagnement des transitions politiques dans un espace structurellement sous menace », a-t-il déclaré.
Dirigeants au pied du mur
Face à la menace terroriste qui croît et embellit dans le sahel et la région ouest-africaine, les dirigeants des pays de ces zones n'ont vraiment plus le choix. La semaine dernière encore, le nord du Bénin a été le théâtre d'attaque terroriste, avec à la clé la mort de neuf personnes et dix blessées dans une embuscade dans un parc naturel transfrontalier géré par le Bénin, le Burkina Faso et le Niger. Le Bénin, jusque-là considéré comme un havre de stabilité, n'en est plus un. Il s'ajoute ainsi à la liste de ces pays souffre-douleur du terrorisme : le Mali, le Niger, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire. Le Togo et le Ghana sont en ligne de mire.
Désormais au pied du mur, les dirigeants vont donc devoir sonner la révolte durant cette rencontre et sortir la lourde artillerie face à ce tourbillon infernal dont les capacités de destruction restent incalculables. Reste à savoir s'ils auront suffisamment la gueule de l'emploi pour non seulement adopter de solides systèmes sécuritaires à l'unisson, mais encore prendre –enfin – par le bon bout la question liée à la limitation des mandats qui, faut-il le rappeler, n'en demeure pas moins l'une des raisons majeures qui font basculer les populations dans l'extrémisme violent.
Tripatouillages constitutionnels, causes lointaines d'extrémisme violent
Dieu sait si ces sujets qui fâchent seront abordés sans complaisance aucune, quand on voit comment en l'espace d'une poignée de mois seulement, certains chefs d'Etat membres de la désormais conspuée Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) ont tordu le cou à leurs constitutions, à seule fin de s'éterniser au pouvoir.
En Guinée, la boulimie du règne d'Alpha Condé, qui s'est octroyé un troisième mandat a coûté la vie à quelque 92 morts, dont 45 tués par balles, si l'on en croit le collectif réunissant des partis, des syndicats et des membres de la société civile du pays. Cette sulfureuse envie d'en faire plus qu'il n'était convenu a conduit son pays dans une crise sociopolitique désormais gérée de main de militaire par des hommes en treillis. On peut en dire autant de Roch Marc Christian Kaboré destitué, incapable qu'il était d'assurer la sécurité et la quiétude aux populations en luttant efficacement contre les attaques armées.
En Côte d'Ivoire, Alassane Ouattara arrivé au pouvoir en 2011 sur fond de crise postélectorale et réélu en 2015, a trouvé dans le décès de son Premier ministre Amadou Gon Coulibaly une occasion inespérée de remettre son compteur de mandats à zéro. Contre vents et marrées, celui qui croit avoir pissé dans la fontaine de jouvence aura droit à une réélection éclaboussée par la mort d'au moins 85 citoyens, et 484 blessés, selon le ministre de la Communication Sidi Touré qui a fait le bilan global des troubles politiques. 34 morts avant le scrutin, 20 le jour du vote et 31 après, 225 personnes interpellées, 167 inculpées, 45 écrouées.
Mais qu'importe qu'il y ait eu mort d'hommes, du moment que, du haut de ses 78 ans, le successeur de Laurent Gbagbo s'est offert le score fleuve de 94,27% des voix au premier tour au nez et à la barbe d'une opposition qui a boycotté le scrutin.
Au Togo, il y a Faure Gnassingbé qui souffle le chaud et le froid. Non content d'imiter ses pairs, le fils du père a poussé sa soif du pouvoir jusqu'à s'offrir un quatrième mandat au mépris du bon sens, et encore à l'issue d'une élection de loin en loin frauduleuse. La crise sociopolitique découlant de cette réélection continue de bloquer le développement socioéconomique du pays. Le jeune doyen aurait pu inspirer Ibrahim Boubacar Keïta, si ce dernier n'avait pas été renversé le 18 août 2020 par des militaires à l'origine d'une mutinerie au camp militaire Soundiata-Keïta de Kati.
De telles gouvernances impopulaires adoptées au sommet de l'Etat ont toujours généré des coups d'Etat, qui eux-mêmes ont pour cause l'absence de l'équité dans la justice, la corruption de l'élite politique, l'accroissement des inégalités socioéconomiques, comme dirait Carine Kaneza Nantulya, panafricaniste, défenseuse des droits de l'homme, et directrice du plaidoyer pour l'Afrique au sein de la division Afrique de Human Rights Watch. La traduction d'un ras le bol populaire, d'une gouvernance inefficiente, etc. sont autant d'événements qui forment comme une cocotte-minute prête à exploser à tout moment, et qui mettent du plomb dans l'aile du combat contre l'extrémisme violent et le terrorisme. Situation qui ne fait nullement les affaires des chefs d'Etats de la Cédéao qui ne se voient vraiment plus dispensés de soubresauts politiques devenus monnaie courante. Comme l'Atride Thyeste qui jouit d'un bonheur médiocre et d'un calme avant la tempête, plus personne n'est assuré d'être à l'abri de ces coups d'Etat que certains qualifient, non sans malice, d'harmattan africain.
Le choix du Togo comme pays hôte pose problème
On ne peut croiser les doigts pour que cette conférence de haut niveau sur les transitions politiques et la lutte contre le terrorisme au Sahel et en Afrique de l'Ouest sonne comme une façon de mettre la balle au centre, de calmer les esprits, et de repartir du bon pied dans une espace Cédéao qui, on ne le dénoncera jamais assez, n'a jamais pesé de tout son poids pour faire éviter à ses Etats les maux qui la minent aujourd'hui.
Ce qu'on n'a pas vu venir est l'accueil de l'évènement par le Togo. Que le Togo accueille une rencontre de cette envergure n'est que flatteur. Mais l'enthousiasme fait vite place à la crainte : le Togo est tout ce qu'il y a de plus décevant en termes de gouvernance démocratique. Y a-t-il plus antidémocratique qu'un président qui accède à la magistrature suprême après le décès de son père, et qui, au lieu de marquer la rupture entre son règne et celui de son dictateur de père, l'a si bien copié qu'il en a pris un mauvais pli ? Ses affidés travaillent déjà à le reconduire. Pour la beauté de l'exemple, la logique voudrait que l'on fasse accueillir cet événement à un pays qui fait office de modèle démocratique. Le choix du Togo est tout sauf exemplaire pour une rencontre censée déboucher sur de vraies valeurs démocratiques au rebours desquelles va justement Faure Gnassingbé.
Qui plus est, cette conférence qui sera organisé à coût de milliards, et qui, nous en faisons le pari, n'accouchera que d'une souris, s'ajoutera aux multiples sommets sans tête ni queue que le ministère togolais des Affaires étrangères a souvent obtenus à coups de ronds de jambe auprès des chancelleries internationales.
Et comme toujours, ce sera le contribuable qui va trinquer. Pour ce qui est des retombées économiques, on peut toujours courir.
Sodoli Koudoagbo