Nation



image
Georges - 11/03/2023 - 0 Comment(s)

Célébration de la journée internationale de la femme : Mme Rose KOUDJOME Présidente Nationale des Amazones de la République: « Nous ne sommes pas du tout satisfaites »

Comme chaque année à travers le monde, la femme est à l’honneur, le 8 mars, dans ce que l’Organisation des Nation Unies a consacré comme la journée internationale des droits de la femme. Et à l’occasion, les gouvernements, les groupements associatifs de femmes ainsi que les organisations de la société civile organisent des évènements pour essentiellement fêter les victoires et les acquis, faire entendre leurs revendications et réfléchir aux voies et moyens d’amélioration de la condition des femmes.
L’édition de cette célébration pour l’année 2023, placée sous le thème « Pour un monde digital inclusif : innovation et technologies pour l’égalité des sexes », se déroule dans un contexte international trouble et chargé de défis qui interpelle les gouvernants surtout face au délitement pernicieux du panier de la ménagère. Pour nous faire une idée de la situation actuelle des femmes au Togo sur un point de vue franc et sans langue de bois, nous nous sommes adressés à Madame Rose KOUDJOME, Présidente Nationale des AMAZONES DE LA REPUBLIQUE, une ONG de terrain qui regroupe essentiellement des femmes commerçantes et du monde rural.

 

Bonjour Madame. Vous êtes la Présidente de l’ONG les AMAZONES DE LA REPUBLIQUE qui regroupe un grand nombre de femmes commerçantes et du monde rural. Comment percevez-vous la célébration de la journée de la femme chaque 8 mars ?
Je voudrais d’abord vous remercier pour votre choix de nous écouter et de recueillir à travers ma modeste personne, le point de vue sensible des femmes togolaises.

L’histoire nous enseigne que le 8 mars traduit une célébration de la lutte des femmes travailleuses pour une émancipation de celles-ci.
Aujourd’hui elle prend une allure festive sans se soucier de ce passé.

Pour nous femmes commerçantes, artisanes, urbaines comme rurales, le 8 mars est donc une journée de rassemblement pour faire un bilan de la condition des femmes, du chemin parcouru, des acquis engrangés et des améliorations nécessaires à apporter pour définitivement sortir les femmes du sous traitement qui est le leur depuis des lustres.

« Pour un monde digital inclusif : innovation et technologies pour l’égalité des sexes » c’est le thème du 8 mars de cette année 2023. Que vous inspire-t-il Madame KOUDJOME ?
Si je dois vous parler comme la vendeuse de piment, de gari, de maïs ou des tomates de nos marchés, ou comme ma grand-mère qui sarcle actuellement son petit champ en attente des pluies prochaines, ce thème est étrange pour elles.

Tout est conçu, chaque année, pour les femmes sans les femmes surtout celles africaines .Comme si les premières concernées n’avaient aucunement leur mot à dire. Dites-moi très sincèrement, Monsieur le journaliste, vous êtes sûr que, par ces temps de vie chère où difficilement les ménages arrivent à joindre les deux bouts, c’est une histoire de monde digitalisé qui intéresse les femmes ?
Nous savons que ce thème est associé au thème prioritaire de la 67ème session de la commission de la condition de la femme et qui est : « l’innovation, le changement technologique et l’éducation à l’ère du numérique pour réaliser l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles ».
Mais nous pensons que résolument les gouvernants doivent pouvoir, chaque année, adapter les thématiques internationales de cette célébration aux réalités de genre, d’équité et d’égalité qui sont les leurs en associant les femmes à la réflexion. C’est ça aussi la souveraineté nationale.

Quelles appréciations faites-vous, en termes de bilan, de la célébration, depuis quelques décennies, de la journée internationale des droits de la femme au Togo ?
Nous sommes moins satisfaites ; et c’est bien peu que de le dire. Notre première impression est que cette célébration est devenue une formalité à laquelle nos gouvernants s’adonnent pour faire bonne figure devant la communauté internationale. Les problèmes de la femme, à la base, stagnent. Allez, Monsieur le journaliste, voir comment nos mères et nos sœurs peinent ou sont traité dans leurs foyers.
Le gouvernement fait sa part, me direz-vous. C’est vrai mais il doit faire davantage d’efforts ; Ce qui est bien possible si, dans ce pays, la richesse nationale est redistribuée de façon équitable.
Vous savez, le Chef de l’Etat a fait un gros effort en portant une femme à la tête du gouvernement, une femme à la tête de l’Assemblée Nationale, de nombreuses femmes à des postes ministériels et de grandes institutions de la République

Nous Amazones étions les premières à saluer cette innovation inédite et historique parce que nous attendions que toutes ces femmes doivent être le relais et le fil conducteur de la politique du Chef de l’Etat pour impacter le panier de la ménagère.
Dans les ministères dirigés par les femmes, on s’attendait à des nominations de nombreuses femmes S.G, Chef de Cabinet, Directrice générale, Chef de division et Chef de section.
Dans le secteur privé, j’ai entendu un DG dire que le Chef de l’État a oublié de leur donner le mécanisme par lequel il fallait faire la promotion de la femme car, c’est par appels d’offres qu’on donne les marchés ; alors que ces responsables attribuent d’énormes marchés gré à gré. On aurait pu créer une banque spécialement pour soutenir les femmes qui, d’ailleurs constituent le poumon de l’économie du pays.
Aujourd’hui si cette banque existait, elle volerait au secours des femmes en kiosque et les revendeuses qui sont dégagées çà et là dans nos communes en les accompagnant dans le dédommagement de leurs investissements.

A vous entendre, Madame KOUDJOME, on pourrait croire qu’il n’y a rien de bon pour la femme sous le soleil togolais ; c’est le cas ?
Il faut mitiger le propos. Et ne faites pas, Monsieur le journaliste, semblant de ne pas comprendre de quoi je parle.
Au Togo, les femmes représentent un peu plus de 51 % de la population totale ; sur le plan économique, elles constituent 53,7 % des actifs contre 46, 3% pour les hommes. Ce sont les données de la Politique Nationale pour l’Equité et l’Egalité de Genre du Togo. Je n’invente rien et vous pouvez aller vérifier.
Les données relèvent un taux d’activité féminine supérieur à celui des hommes dû, entres autres, à l’arrivée précoce des filles (10-24 ans) sur le marché de l’emploi. Elles sont majoritaires dans le secteur informel (54%) et exercent des activités indépendantes en milieu rural.
Donc les Togolaises contribuent efficacement à la production de la richesse nationale. De par leurs multiples rôles au niveau de la production, de la reproduction et de la vie communautaire, les femmes togolaises sont au cœur du développement. Quoi de plus normal qu’elles fassent l’objet de toutes les attentions de la part des gouvernants !
Malheureusement, tous les indicateurs prouvent qu’elles occupent, dans leur grande majorité, des positions marginales. Elles ont faiblement accès aux moyens de production, aux ressources et aux opportunités économiques et sociales et accèdent difficilement à une redistribution sociale à parité avec les hommes.
D’une manière générale, du fait de leur statut, de l’environnement socioculturel et des mécanismes de développement mis en place, les femmes togolaises rencontrent des difficultés, qui, non seulement, limitent leurs activités et freinent leur promotion, mais aussi accélèrent leur marginalisation et leur paupérisation dans le contexte économique actuel.
Au sein de la famille, le rôle attribué à la femme est essentiellement domestique avec un statut inférieur à celui de l’homme. La grande majorité des tâches et corvées lui incombent. Elle n’est valorisée, dans la société, que par le mariage, la fécondité et sa soumission à la volonté du mari.

Or aujourd’hui, il devient évident que le développement ne peut s’effectuer sans la prise en compte de tous les acteurs sociaux. Je n’invente rien, Monsieur le journaliste, vous savez tout ça mieux que moi.
C’est vrai que l’Etat togolais, ces dernières années, a modernisé plusieurs de ces textes de lois et pris plusieurs initiatives pour la promotion de l’égalité genre dans notre pays. Ces avancées vont de l’adoption d’un nouveau code pénal plus égalitaire, d’un nouveau code foncier balayant l’ambivalence des textes coutumiers qui pénalisent les femmes, d’une stratégie nationale d’intégration du genre dans les politiques et programmes de développement et de la révision de la stratégie de lutte contre les violences basées sur le genre.
Ce nouvel arsenal juridique, avec l’appui des associations et partenaires au développement, a permis de faire reculer, un tant soit peu, certaines des plus graves violences faites aux femmes. Des avancées sont également obtenues dans le domaine de l’éducation des filles et de l’accès des femmes à l’emploi.
Mais, dans beaucoup d’autres domaines, les gaps ont du mal à être comblés. En d’autres termes, sur la majorité des indicateurs liés aux questions de genre et de droits des femmes, les avancées ont encore du mal à se traduire dans le quotidien de ces dernières. C’est de ça qu’il s’agit.

Votre message à l’endroit des femmes et des gouvernants en ce jour de célébration, Madame la Présidente Nationale des AMAZONES DE LA REPUBLIQUE.
La volonté politique, à elle seule, ne suffit plus ; il faut passer à la vitesse supérieure des actions concrètes, tangibles et palpables qui pourront améliorer sensiblement la condition de la femme au Togo. Vouloir c’est pouvoir, dit-on.
A l’endroit de mes sœurs et mères, je dirai simplement, de ne pas enrichir les opportunistes cette année et de faire l’économie des 2000 francs CFA du pagne qu’on leur propose pour subvenir aux besoins de leurs ménages.

Entretien réalisé par
La Rédaction

0 Commentaire(s):

Lire aussi

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.